Avec le rachat du manoir familial et la publication d’un livre, Ferrand récupère un pan perdu de l’histoire du cognac. Nous avons rencontré l’historien de la maison pour une rétrospective.

 

Mademoiselle

« Mademoiselle était la dernière de la lignée des Ferrand de chez Barraud, lieu-dit sur la commune de Segonzac, au cœur de la Grande champagne. C’était l’arrière-petite-fille du grand Elie Ferrand, huitième du nom, le producteur de cognac qui avait pour ambition de faire le meilleur cognac du monde. Elle était la mémoire de la famille Ferrand, ça a été sa mission dans la vie. Elle avait quatre-vingt-quatorze ans quand je l’ai connue, une mémoire phénoménale et un esprit d’une clarté absolument fantastique.

Alexandre Gabriel et Mademoiselle. 2014

Kevin Desmond, un historien des technologies, venait d’écrire une biographie d’un ingénieur français qui correspondait avec un certain Elie Ferrand. Il a contacté Alexandre Gabriel, propriétaire de Maison Ferrand, et qui connaissait l’existence d’Henriette Ranson, Mademoiselle, et de son manoir.

Sur ses conseils, fin août 2014, Kevin et moi sommes allés voir cette vieille dame. Et voyant qu’on s’intéressait à Elie Ferrand, son arrière-grand-père, elle a commencé à nous raconter plein de choses. C’est là qu’est venue l’idée d’écrire une biographie d’Elie Ferrand, qui paraîtra en juillet. Mais au départ, on n’avait pas assez d’éléments.

Mademoiselle me disait qu’il n’avait rien laissé. Quand elle a compris qu’elle pouvait me faire confiance, elle a ouvert la maison, et là, il y avait toutes les archives, à tel point que j’ai pu reconstituer l’arbre généalogique de la famille, jusqu’au premier Elie Ferrand connu qui est né en 1630. »

 

Elie Ferrand

« Il y a 10 générations d’Elie Ferrand, jusqu’à Elie Paul Ferrand, caporal infirmier dans l’armée d’Orient, mort dans les Dardanelles en 1915. On est certain que le père et le grand père d’Elie Ferrand, le huitième, faisaient du cognac. Le grand-père était viticulteur et bouilleur de cru. C’est d’eux qu’il a appris les techniques de distillation. Il a aussi appris les techniques de vieillissement du cognac dans différentes essences de bois parce qu’à cette époque on avait le droit alors qu’aujourd’hui on ne peut vieillir le cognac que dans du chêne.

J’ai retrouvé des lettres de ses pairs qui confirment que les cognacs d’Elie Ferrand étaient absolument exceptionnels. On sait aussi qu’il a reçu de nombreuses médailles pour ses cognacs de Grande Champagne dans des concours nationaux et internationaux dont une médaille d’or à l’exposition universelle de 1900 à Paris, et qu’il avait été fait chevalier du mérite agricole, ce qui n’est pas rien. Il était aussi connu pour ses nombreuses expérimentations. C’est quelque chose qui nous parle directement parce qu’un des mots clé de la maison Ferrand est « expérimentations ».

Le portrait d’Elie Ferrand le huitième et M Jacques Blanc

 

La maison de Mademoiselle

« Cette maison a été construite par Elie le septième vers 1860. Avec l’accord de la famille de Mademoiselle, qui n’avait jamais eu d’enfants, nous en avons fait l’acquisition après son décès. En y rentrant pour la première fois, j’ai eu l’impression de revenir un siècle et demi en arrière. Les dernières années de sa vie, Mademoiselle n’utilisait que deux pièces : la cuisine avec son poêle et sa chambre. La maison nécessite beaucoup de travaux de restauration. On va également remettre des papiers peints dans le style de l’époque et refaire le grand perron de l’entrée principal avec ses balustres, de façon à redonner à la maison un lustre qu’elle avait perdu avec le temps. »

 

La fondation

« La maison a été rachetée par Alexandre Gabriel, propriétaire, Président et Maître de Chais de la Maison Cognac Ferrand. Nous allons en faire un musée à la mémoire de cette branche principale de la famille Ferrand : 10 générations de Elie de 1630 jusqu’à 1930 et bien sûr Mademoiselle. Ce sera aussi une fondation. Nous sommes au cœur de la Grande Champagne. C’est le terroir où l’on fait les eaux de vie les plus fines, les plus délicates, celles qui vieillissent le plus longtemps. C’est de ce terroir que viennent tous le cognacs de la Maison Ferrand.

Personne ne sait exactement à quelle époque cette notion de Grande Champagne est apparue ni qui en est à l’origine. Cette fondation veut financer des recherches dans ce sens, mais aussi sur les techniques anciennes de production du cognac. On a commencé à faire du cognac au début du XVIIe siècle. Quelle était la forme des alambics, la forme des cols, quelle était la forme de l’alambic dit charentais ? Il faut qu’on retrouve des documents sur les techniques de cette époque. Les gens pourront venir travailler, et on financera aussi des recherches, de doctorants par exemple ou d’un historien qui s’intéresse à ce domaine. »

 

Propos recueillis de Jacques Blanc par Nathalie Baylaucq et François Monti. Traduit par Marie-France Sabiani.

 

Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.

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