Il n’y a pas que l’Italie et la France qui comptent : les espagnols peuvent se vanter d’une longue tradition. Elle est en plein réveil. Apprenez-en plus sur ce renouveau dans notre article.
Le vermouth moderne est né des deux côtés des Alpes. C’est entre Turin, Chambéry et Lyon que se sont données les conditions nécessaires au développement de l’apéritif entre 1750 et 1820. Qu’étaient-elles ? Abondance de vin et connaissance de la distillation pour sa fortification ; accès aux herbes médicinales des montagnes et aux épices exotiques ; maîtrise de la macération et de l’infusion. D’origine médicinal, le vermouth est un vin aromatisé centré sur l’absinthe (wermut en allemand). Il est souvent sucré, afin d’équilibrer l’amertume apportée par certains de ses ingrédients, dont la gentiane, la quinine ou la racine de rhubarbe.
Son succès au cours du 19e siècle l’a vu s’imposer à l’heure de l’apéritif dans les grandes brasseries parisiennes et dans les cocktails tels que le Manhattan aux Etats-Unis. Il a aussi poussé de nombreux imitateurs à se lancer dans l’aventure. Un des endroits où ceux-ci ont le mieux réussi est un autre grand pays méditerranéen, l’Espagne. Les tourments politiques du 20e siècle ont longtemps maintenu cette réalité à l’écart. Mais tandis que la tradition française vermouthière s’écroulait et que les italiens se mettaient à préférer le spritz, les espagnols tenaient bon.
Et tout commença…
L’histoire avait commencé en Catalogne, vers 1880. La plupart des producteurs se centraient (c’est toujours le cas de nos jours) sur la petite ville de Reus. C’est cependant à une heure de là, à Barcelone, que les consommateurs se mirent à l’heure du vermouth, notamment grâce au Torino, un superbe café décoré par Gaudi et d’autres artistes renommés de l’époque.
Le reste du pays suivit et, aux quatre coins de l’Espagne, les producteurs de vin tentèrent d’exploiter le nouveau filon. Aujourd’hui encore, de nombreuses coopératives offrent à leurs clients un vermouth « de la maison », de qualité parfois douteuse.
« La Boisson de l’Espagne d’Avant »
Dans les années 80, suite à la mort de Franco et sous les coups de boutoir des grands groupes brassicoles, l’image du vermouth prit un coup de vieux. C’était la boisson de l’Espagne d’avant. Paradoxalement, c’est la génération hipster qui le remit au goût du jour en pleine crise économique. Bien moins cher que le Gin Tonic alors en vogue et surtout considéré comme plus authentique, le vermouth devint la boisson du moment, au plus grand plaisir des producteurs historiques et des épigones qui ne tardèrent pas à se lancer à l’aventure.
La particularité du vermouth à l’espagnol tient avant tout à son mode de consommation. Alors qu’en Italie et dans de nombreux pays, on le consomme souvent en cocktails tels que le Negroni ou le Dry Martini, en Espagne on continue à le boire seul, sur glace, avec, parfois, quelques gouttes d’eau gazeuse. Il est souvent servi pression (mais sans gaz).
Sa consommation est diurne, et accompagnée d’aliments au vinaigre ou en escabèche. Ces particularités ont un effet sur son profil aromatique. Les vermouths espagnols sont moins intenses et amers que les vermouths italiens, et plus sucrés que les secs français.
A la Conquête de l’Étranger
Petit à petit, les producteurs espagnols sortent de leur coquille et s’exportent. Aux Etats-Unis, on commence à le voir au menu de restaurants gastronomiques, d’influence ibérique ou pas. Bien que toujours minoritaire, il a le vent en poupe. Par ailleurs, une vague d’innovation est impulsée par des nouveaux venus qui réussissent un exercice d’équilibriste : rester fidèle au style espagnol tout en proposant des sensations différentes.
On a pu notamment voir le retour des vermouths au xérés avec Lustau ou González Byass. En Galice, Petroni travaille l’albariño, un cépage local, et utilise du poivron de Padrón dans son vermouth blanc. Dans La Rioja, chez Lacuesta, une édition limitée repose en fût d’acacia tandis que les voisins de San Bernabé proposent un rare vermouth au vin rouge (le vermouth rouge est traditionnellement élaboré avec un vin blanc coloré au caramel). Les passionnés de la découverte de saveur savent ce qui leur reste à faire.
Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.