Nous avons rencontré Emmanuel Joannis, passionné de whisky : « J’ai aujourd’hui un peu plus de 270 références et probablement dégusté autour de 450 distillats différents«
À quel moment commençons-nous à collectionner des bouteilles ? Comment et pourquoi attachons-nous une telle importance à ces objets ? La passion de collectionner des bouteilles et la satisfaction de créer un mur de verre contenant des liquides précieux de toutes les époques et de toutes les origines est une chose dont Emmanuel Joannis, collectionneur passionné de bouteilles de divers alcools mais principalement de whisky (mais aussi de gin et de rhum) est fier et nous en parle avec conviction dans notre entretien. Emmanuel préconise surtout la curiosité, la persévérance et la passion afin de développer un lien avec ce monde qui ne cesse de nous impressionner.
Spirits Hunters : Parlez-nous un peu de vous…
Emmanuel JOANNIS : Je m’appelle Emmanuel, j’ai 38 ans. Je vis en Haute-Savoie et je suis réceptionniste dans un hôtel.
SH : Comment devient-on collectionneur ?
EJ : Je pense que c’est avec le temps et au fil des connaissances et expériences sur le sujet. Il faut aussi un certain caractère : être curieux, persévérant et passionné. C’est avec un plaisir certain que je me suis mis à chiner. C’est à chaque fois une aventure : pour trouver LA bouteille, pour bien l’acheter (pour que le budget colle avec mes envies.) et bien l’apprécier (avec le temps l’aération peut faire évoluer le distillat..). Mais toutes mes bouteilles sont ouvertes ou y sont destinées. C’est plus une base de donnés gustatives plutôt qu’un stockage spéculatif. Et quel luxe d’apprécier ou de partager quand on a du choix !
SH : Comment avez-vous commencé ?
EJ : J’ai goûté à quelques whiskies lors de diverses occasions banales, en famille, en soirée : mon père en est friand, il m’a probablement mis un pied à l’étrier. Mais c’est réellement qu’à partir de 2015 que je m’y suis vraiment intéressé.
Tout est parti du déménagement d’un ami qui allait habiter un autre pays et qui s’est délaissé de quelques bouteilles ainsi que d’un catalogue promotionnel d’un Hypermarché bien connu pour me retrouver avec un petit échantillonnage. J’ai alors commencé l’éducation de mon palais. Et je peux vous l’avouer : c’est avec étonnement que je peux sourire agréablement en repensant à certaines versions pour lesquelles je grimaçais et qui maintenant me laisse pantois… (toutes proportions gardées, bien sûr. On ne grimace pas avec le whisky !)
Courant 2016, j’ai participé à un petit salon de dégustation (30/40 exposants) ou j’ai pu élargir mes horizons d’approvisionnement, approfondir des distilleries et en découvrir d’autres. Mais surtout échanger avec des professionnels. C’est désormais ma petite session annuelle.
J’ai aussi fait la connaissance d’un caviste local qui organise régulièrement des soirées dégustation « Mets et Whiskies ». Cela m’aura permis, entre autre, de découvrir le monde des whiskies tourbés !
Ma prochaine étape sera d’aller visiter les distilleries et de confier toutes mes découvertes sur la toile. Il n’y pas assez de blog ou chaînes YouTube francophones je trouve, du moins pas autant qu’en anglais ou en allemand. Et bien sûr de faire d’autres foires, dont le Whisky Live !
SH : Comment rangez-vous vos bouteilles ?
EJ : Par origine (pays, région, distillerie) et type (tourbé ou non). Elles sont disposées dans un buffet haut fermé et sur des étagères, dans leur boite hors soleil direct ou à l’abri de la lumière. Il fut difficile de trouver un format polyvalent pour toutes les tailles de bouteilles. (merci les meubles suédois !) Et je dois bien avouer qu’il va falloir agrandir… Cela surprend toujours un peu quand on voit ce « mur » dans mon petit chez moi.
SH : Comment et quand dégustez-vous vos spiritueux ?
EJ : C’est une question intéressante. Car contrairement à ce que l’on peut penser, je n’en bois pas tous les jours. Je pense qu’il y a un Moment pour cela (avec un grand « M »). Et tout dépend de ce que l’on choisit car certains demandent plus de temps de dégustation que d’autres. Un whisky s’apprivoise, plus ou moins vite, entre l’ouverture et l’aération, et selon les saisons. Il y a aussi le fait d’accompagner ses plats d’un whisky et il y a là moultes combinaisons et plaisirs ! Au final, la meilleure dégustation est celle qui est partagée, autour d’une table ou au fond d’un fauteuil club. C’est fou comme le Whisky est social.
SH : Quel est le whisky préféré de votre Mère ?
EJ : Je regrette. Malgré mon engouement et ma pédagogie, ma mère n’a pas vraiment d’atomes crochus avec ce spiritueux. Elle sera plutôt cliente pour un cocktail, type Highball Japonais à base de Miyagikyo par exemple. C’est plutôt mon père qui partage avec moi cet attrait. Il aime Cardhu et Talisker.
SH : Quel cocktail préconisez-vous ?
EJ : Si vous voulez mes préférences, je serais Speyside Old fashioned et Peat Collins. Mais je suis encore un néophyte concernant la mixologie. Si je devais conseiller un cocktail, j’aurais tendance à détourner les classiques pour des variantes audacieuses (utiliser les tourbés, scotch plutôt que Bourbon, travailler les ryes et Single grain…).
Speyside Old Fashioned (Image: The Glenlivet)
SH : Comment voyez-vous votre collection de demain ? A quoi ressemblera-t-elle ?
EJ : Je suis en train de réorganiser mes sélections pour cibler davantage mes réelles préférences plutôt que de compléter des familles. Au début, j’ai acheté en masse pour me créer une base. S’il un nouveau venu se passionne comme moi, je lui conseillerai d’abord les dégustations, salon et échantillons plutôt que se fournir dès le départ avec une bouteille de 70cl. Car aujourd’hui, je réoriente bon tiers auprès des bars, des amis et de la famille. J’ai aujourd’hui un peu plus de 270 références et probablement dégusté autour de 450 distillats différents, on ne peut évidemment pas avoir une bouteille de chaque…
À l’avenir, je souhaiterais renforcer les distilleries favorites (Ardbeg et bon nombre de l’île d’Islay, Talisker, Ledaig, Highland Park, Glenmorangie, mais aussi Kornog et G.Rozelieures…) et me focaliser sur les « pépites ». Le genre d’embouteillage avec une histoire, une originalité, une démarque du champ des grandes distributions. La pièce qui d’elle-même fera toute la représentation de l’admiration que je porte à ces distillateurs : artisans d’un savoir-faire aussi vaste que sont les origines, terroirs et conditions climatiques. Il y a encore du travail, mais quel plaisir.
Vive l’uisge beatha !*
*NDT : eau-de-vie en irlandais.
Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.