Alain Dauget est un homme heureux, plein de reconnaissance pour ce qui lui a été donné d’accomplir, contrairement à la plupart des gens. Ce n’est pas tant le succès qui le motive que le fait de réussir à produire de la qualité.

C’est un homme qui rayonne de soleil, et l’on voudrait rester près de lui aussi longtemps que possible, comme une source d’enthousiasme. Producteur de lait mais surtout de cidre et de spiritueux, tout ce qu’il fait ou touche est issu du bonheur qu’il a dans le cœur. On rencontre rarement une personne comme lui dans la vie et c’est ce qui le rend si exceptionnel.

Il nous a reçus dans sa ferme, avec son gendre Clément.

 

Spirit Hunters : du lait, du cidre, des spiritueux ?

Alain Dauget : Nous sommes trois associés sur l’exploitation. Avec moi, Vincent Auguste et Emmanuel Legardinier qui s’occupe de la production laitière. Ça nous permet de gérer deux productions, le lait depuis l’installation en 1992, et le cidre qu’on a développé progressivement.

 

SH : Laitier et cidricole, d’accord. Mais alors, où sont les vaches ?

AD : À trois kilomètres sur un autre site

 

SH : Et la production cidricole ?

AD : Ici, sur environ 6 hectares, on peut compter 600 pommiers hautes tiges. Il y a quatre grandes catégories de pommes à cidre : les pommes douces, amères, douces-amères, acidulées. Sous ces grandes catégories, on retrouve une quarantaine de variétés.

 

SH : Du coup, il y en a vraiment une quarantaine ici ?

AD : Absolument, avec un intérêt marqué pour les variétés amères et douces-amères pour la fabrication de cidre. De la binet rouge, de la cartigny, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose ? Nous avons également de la grassland, de la judor, qui sont des variétés acidulées qui servent principalement à faire du jus de pomme.

 

SH : Il y en a combien dans votre cidre ?

AD : On utilise les quarante variétés. Par exemple, on va utiliser des variétés amère et douce-amère type binet rouge, cartigny pour notre cidre du Cotentin*. Sur 4 ans. Nous allons replanter 4 hectares de vergers soit 400 pommiers. Nous choisissons nos variétés en fonction des produits que nous voulons élaborer. Cette plantation est pour anticiper l’arrivée de Clément, mon gendre, qui va nous rejoindre.

Photos: GAEC de Claids

 

*100% pur jus et naturellement pétillant, le Cidre Cotentin est élaboré à partir de variétés locales de pommes à cidre. Il n’est ni gazéifié, ni pasteurisé.

 

SH : Vous faisiez quoi, avant, Clément ?

Clément : Pêcheur !

AD : Clément a suivi une formation cidricole de neuf mois au Lycée du Robillard. Il est salarié pendant quelques mois chez nous et on va certainement l’associer pour nous permettre de passer la main tranquillement sur 5-6 ans.

 

SH : Comment avez-vous commencé ?

AD : Avant notre installation, ce sont mes parents qui travaillaient ici, pour le lait. Les parents de Vincent avaient aussi une exploitation, nous avons rassemblé les deux cheptels, et emmené toutes les vaches qui étaient ici sur l’autre ferme. Ici, il y avait un petit verger de 80 pommiers, où nous avons commencé à faire un peu de cidre. Nous faisions deux à trois tonneaux, comme faisaient nos parents autrefois. Puis, on a commencé à en vendre.

 

SH : En somme, c’était la boisson de vos parents ?

AD : Oui c’était leur eau. Les gens alors buvaient des produits fermentés parce que l’eau n’était pas saine, ils préféraient consommer le cidre produit de leurs vergers ! Je me rappelle en avoir toujours bu. On passait directement du « biberon au cidre ». On en buvait toute l’année et voyez, je suis en pleine forme !

 

SH : Quand je suis arrivée, il y avait des vaches. Magnifiques, d’ailleurs.

AD : C’est parce que ce sont de jeunes animaux. En fait, nous mettons dans les vergers les animaux de moins d’un an, ils sont plus petits et ne peuvent pas atteindre pommes et branches. Les vaches restent dans les pâtures. Ces jeunes qui viennent manger de l’herbe sous les pommiers, nous servent de tondeuses naturelles, on évite le gyrobroyeur. Ça nourrit l’animal qui, à son tour, nourrit le sol de ses déjections. Du coup, pas besoin d’azote chimique dans nos vergers et nous n’appliquons aucun traitement sur nos pommiers. C’est aussi une question d’espace : nous pratiquons le verger extensif, le verger traditionnel normand, les fameux pommiers haute-tige. Pas plus de 100 pommiers à l’hectare, alors que pour le pommier basse-tige, on met 600 pommiers par hectare.

 

 

SH : Effectivement, ça change beaucoup.

AD : Seulement, on ne va produire que 15 à 20 tonnes de pommes par hectare, quand les basse-tiges peuvent aller jusqu’à 40 tonnes, donc il y a une différence.

 

SH : Pourquoi la réduction du nombre d’arbres à l’hectare dispense d’insecticide ?

AD : A l’origine, en Normandie, il n’y avait que des pommiers haute-tige. L’objectif était d’avoir de l’herbe sous les pommiers. Du deux en un : l’herbe pour les bêtes, la pomme pour les fermiers. Nul besoin d’utiliser des insecticides ou des produits chimiques. Cela dit, ce n’est pas la présence des vaches qui empêche la progression de maladies, c’est l’espace entre les arbres.

 

SH : Parce que les arbres ne sont pas regroupés ?

AD : Du coup, les maladies sont moins nombreuses. Il y a bien quelques pucerons dans nos pommiers, mais on ne va pas traiter pour ça.

 

SH : Même pas de la bouillie bordelaise ?

AD : Non, rien du tout. Dans le pommier il peut y avoir des pucerons ou des tâches mais, bon, ce ne sont pas des pommes à couteau, qu’on met sur la table.

 

SH : Ce sont donc vos parents qui ont commencé à faire du cidre ?

AD : Oui, pour leur consommation personnelle.

 

 

SH : Et après, vous avez commencé à commercialiser ?

AD : En 1992.

 

SH : Ça ne fait pas si longtemps…

AD : 28 ans tout de même !

 

SH : Et vous vous êtes beaucoup développés ?

AD : C’est simple, on a commencé avec 2 000 bouteilles aujourd’hui on en sort tout confondu environ 50 000 bouteilles.

 

SH : Combien faites-vous de cidres différents ?

AD : Quatre. On presse, comme tout le monde, en octobre et novembre. Les premières pommes ramassées sont réservées à un cidre qui sera ensuite distillé : ce ne sont pas les meilleures qui tombent en premier et elles fermentent trop vite à cause de la chaleur du début octobre. On laisse notre cidre sur les lies pour que tout le sucre se transforme en alcool pendant la fermentation et on distille à partir d’avril. En revanche, ce sont les pommes des deuxième et troisième ramassages qui vont servir à faire notre cidre bouché*, notre jus de pomme ou le jus qui servira à l’élaboration de notre fameux pommeau de Normandie.

 

*Cette appellation est donnée à un cidre dans lequel une certaine quantité de sucre résiduel est laissée lors de sa mise en bouteille. Sa pétillance et alors supérieure à celle des autres cidres et impose le bouchon muselé)

 

SH : Nous sommes donc sur quelque chose de plus sucré ?

AD : Voilà, quelque chose de plus sucré, et des pommes de meilleure qualité. Fin octobre, il commence déjà à faire un peu plus froid, les fermentations sont un peu plus calmes. Au fur et à mesure de la fermentation qui dure entre trois et cinq mois nous mettrons en bouteille afin d’avoir un cidre doux, demi-sec, brut et Extra brut. A savoir que le brut et l’extra brut sont en AOP cotentin. Le Cotentin est le seul cidre en France à avoir une AOP en extra-brut. Il y a deux autres AOP en cidre, le pays d’auge et la cornouaille.

 

Le GAEC de Claids

Où ? Ferme de Claids 50190 ST PATRICE DE CLAIDS

Site

 

Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.

 

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