Dans la rue Stanislas à Paris, il y a deux restaurants, au 4 et au 7 : Chez Marcel et La Gentiane, cela pourrait être le début d’un scénario de film ou d’une chanson. Nous y sommes, plan large, rue Stanislas, un homme en tablier blanc, fait l’aller et retour entre les deux restaurants, Pierre Cheucle vous accueille avec chaleur et bonhomie.

 

Pierre Cheucle

 

Patron de bistrot, c’est avant tout un parcours, une destinée. Rien ne prédisposait ce pur produit des écoles de commerce à devenir un amoureux de la cuisine, rien sinon sa bonne étoile. Après un BEP de cuisine, passé en candidat libre, il a fait ses armes auprès des plus grands à Lyon, Paul Bocuse, Jean Fleury, La Brasserie de l’Est, le Sketch à Londres, le Bristol à Paris avec Éric Fréchon, de commis jusqu’à chef de cuisine. Avec eux il a appris la rigueur et l’intransigeance de la brigade, le sens de l’amitié et de la droiture. Amoureux des grandes maisons, il a toujours admiré ce savant mélange entre la mécanique de précision et la magie du sensible.

 

L’enfance

Sa plus belle émotion culinaire, il la doit au chef Pierre Gagnaire dont “le pigeon au chocolat reste gravé dans les papilles”, parole de gourmand !

Déjà tout petit, à Lyon, ses parents l’emmenaient dans un célèbre “bouchon”[1] : le Garet, “Un merveilleux bistrot, membre de l’Académie du Coq en Pâte[2], où l’on vous sert un tablier de sapeur (tripes) avec un gâteau de pommes de terre et au dessert, un merveilleux gâteau au chocolat et à la menthe” nous dit-il avec ses yeux rieurs.

Ce rêve d’enfant, il l’a réalisé en reprenant le flambeau du Bistrot “Chez Marcel”, un coup de cœur pour le lieu et son décor désuet, une rencontre avec “le bonhomme”, ce fut une véritable transmission dans les règles, la conservation d’un patrimoine immatériel, fondé sur la relation avec les clients et avec les fournisseurs. Il s’est tout de suite senti chez lui.

[1] Bouchon Lyonnais : Un restaurant convivial où l’on déguste de la cochonnaille et des plats traditionnels, arrosés de beaujolais. Le patron ou la patronne connaît ses clients et parvient à créer une atmosphère à la fois familière et familiale.

[2] Association de gastronomes lyonnais dont la devise est : « Au travail on fait ce qu’on peut, au lit on fait ce qu’on doit, mais à table on se force ». Dicton de la plaisante sagesse lyonnaise de Catherine BUGNARD.

La Gentiane,

le deuxième restaurant de la rue Stanislas, à la cuisine tout aussi exigeante quant à la qualité des produits, est en revanche, une création, un nouvel univers autour de cette boisson méconnue.

La Gentiane est une plante à fleurs jaunes, qui pousse entre 800 et 1500 m d’altitude, en Auvergne, dans le Jura et dans les Alpes, on extrait la racine du sol, qui peut atteindre un mètre de long, grâce à un outil appelé la fourche du diable (cela ne s’invente pas). Une fois, nettoyée, séchée et tronçonnée, la racine est râpée et on la laisse macérer dans de l’alcool. La Gentiane, liqueur apéritive, est reconnue dès l’antiquité pour ses vertus thérapeutiques, antioxydantes, toniques et énergisantes.

 

Bistrot La Gentiane

 

Tout le monde connaît les Marques Suze, Salers et Avèze. Mais il en est beaucoup d’autres provenant de 15 distilleries à découvrir et à déguster dans le restaurant. éponyme comme on dit avant d’en avoir bu quelques unes.

Parfois, on coupe l’amertume de la plante avec du citron ou du pamplemousse, ou en rajoutant plus ou moins de sucre. Il ne faut pas rater les produits de la Maison Couderc comme La Fourche du Diable et l’Intense ni la gentiane d’Auvergne : Sancy.

 

Il existe aussi des eaux de vie de Gentiane pour les plus vaillants

Bartenders et mixologues à vos shakers! La liqueur de Gentiane se marie bien avec le Gin et le Vermouth blanc, certains y associent des sirops de fraise ou de coco pour éclipser l’amertume, d’autres au contraire désirent la transcender. Il vous reste un continent à découvrir et beaucoup de cocktails à inventer.

Au Bistrot la Gentiane, à l’heure de l’apéro, à partir de 18h, il existe un “moment montagnard” où le saucisson et le jambon réconfortent les clients habitués et ceux de passage. Ce moment de partage est conçu comme le prélude à une soirée précieuse. Et, comme dit Sébastien Maillol, un ami de Pierre Cheucle : “Donne du porc à ton corps” et il t’aimera. Pierre a très tôt compris, avec d’autres, que c’est le lien avec le client qui fait un lieu, “on ne vit pas que de pain”, ce sont les mots qui vont avec qui lui donne sa saveur.

La Gentiane est un restaurant qui brise les codes, la décoration s’est élaborée par sédimentation. On y trouve un panneau de localisation indiquant la direction de Chambon sur Lignon trônant au-dessus d’un vrai flipper, avec les sons d’origine, un tourne-disque avec des disques en vinyl pour les amoureux de la chanson et sur le trottoir, un bar en osier fait l’école buissonnière avec une piste de 421. Tout est fait pour que les clients s’amusent et la Gentiane aidant, la “petite collation” finit en un épique casse-croûte.

 

Photos: Robert Ebguy

 

Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.

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