Le gin prend de la couleur

Si vous cherchez une vraie success story dans le monde des spiritueux, n’allez pas chercher du côté des catégories chéries des mixologues barbus. Ce qui triomphe, ce n’est pas le mezcal mais bien le bon vieux gin.

Ainsi, les ventes globales ont atteint 450 millions de litre en 2018, contre à peine 200 millions en 2010. Des chiffres fous. Certains analystes préviennent tout de même que cette croissance va s’arrêter au cours des prochaines années, avec une stabilisation du marché. D’autres parlent même d’une légère baisse.

Mais le marché du gin est dominé par des marques bon marché et les perspectives sont le plus sombres pour celles-ci. On s’attend donc à une croissance du segment premium. Un véritable changement de décor pour qui s’intéresse à l’histoire. En effet, quand le gin est arrivé en Angleterre, c’est d’abord dans les classes pauvres qu’il s’est imposé. La folie du gin du 17e et 18e siècle cimentèrent une mauvaise réputation qui ne changea qu’à la fin du 19e siècle, quand il s’impose comme un ingrédient essentiel pour le cocktail. Malgré tout, dans l’après-guerre, le gin prit une image vieillotte, les jeunes préférant la vodka, sans saveur, et leurs aînés les arômes plus sophistiquées de spiritueux comme le whisky ou le cognac. Il aura fallu le retour en vogue du cocktail, d’abord, et la mode du gin tonic à l’espagnole pour voir les marques artisanales décoller.

Les analystes voient cependant un plafond pour le gin: à part aux Etats-Unis, le consommation de cocktails reste assez discrète — en volume, en tout cas — et le gin est donc limité par son association avec la tonic qui, la mode passée, n’est pas du goût de tout le monde. Une voie de sortie vient de l’Espagne, où le gin rose (à la fraise) est le moteur de la croissance de la catégorie depuis trois ans. Plus doux et servi avec un soda au citron / citron vert, il offre une alternative aux consommateurs qui n’apprécient pas l’amertume d’un Gin & Tonic classique. Malheureusement, la plupart de ces gins à la fraise ne portent de gin que le nom et se rapprochent plus de la liqueur. Le risque de pervertir la catégorie et de détruire le travail d’éducation des dix dernières années est donc bien réel.

François Monti

 

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