Le B.a.-ba des spiritueux par Alexandre Vingtier : F comme Feni
F comme Feni
Si je vous dis cajou, vous me répondrez noix de cajou car c’est bien cette partie de la plante que l’on exploite et exporte principalement. Mais saviez-vous que cette noix se trouve à l’extérieur d’une sorte de fruit que l’on appelle la pomme de cajou. Plus la demande en noix de cajou s’est développé à Goa, ancien comptoir colonial portugais en Inde où cet arbre a été introduit il y a 450 ans, plus on obtient de pomme que les locaux ont bien évidemment transformé en un alcool appelé feni, premier spiritueux indien à obtenir une Indication Géographique en 2009.
Tout d’abord, on récolte à la main les pommes de cajou mûres tombées au sol dans des paniers durant trois mois au printemps. On sépare ensuite à la main la noix externe du fruit puis l’on presse en un ou deux temps les fruits soit mécaniquement, soit avec les pieds, comme le foulage des raisins de certains vins traditionnels. On obtient ainsi d’abord un nectar plus ou moins riche en pulpe puis un jus plus clair appelé niro. Certains producteurs n’utilisent que la première presse, un peu comme pour les eaux-de-vie de fruit, d’autres clarifie le tout. La fermentation dure ensuite entre trois et cinq jours. Après la première distillation au feu de bois, on obtient un brouillis appelé urak titrant environ 15% vol. Ce n’est qu’après la deuxième distillation que l’on obtient le feni, autour de 40% vol., mais certains producteurs peuvent employer une triple distillation, parfois en suspendant un sac d’aromates dans l’atmosphère de l’alambic pour fabriquer du masala feni. On trouverait presque des liens de parenté avec le gin ou le mezcal pechuga.
On dénombre environ de 4.000 micro-distilleries mais ce chiffre peut varier comme toutes les distilleries ne font pas nécessairement la demande d’autorisation à chaque saison auprès des autorités locales. En effet, si certaines distilleries possèdent des alambics en métal ou en cuivre pour tout ou partie, avec des cuves en béton, la plupart utilise les alambics traditionnels en terre cuite appelés bhatis. Ils sont constitués d’une partie qui va être chauffée, la budkula, puis un tube en bambou ou nolo va la relier à un autre récipient en terre cuite appelé launi sur lequel on va verser de l’eau pour condenser les vapeurs d’alcool. On applique notamment des tissus et de la corde pour assurer l’étanchéité de l’alambic, puis on applique de la boue voire de la cendre en plus pour assurer une bonne répartition de la chaleur. Ce type d’alambic est éphémère et peut facilement être reconstruit et ainsi se déplacer. On a trouvé des traces de ce type d’alambic vieilles de plus de deux millénaires !
Avec une commercialisation autrefois restreinte à l’état de Goa, le feni a gagné en reconnaissance à l’échelle nationale avec sa reconnaissance come partie de l’inventaire du patrimoine indien et cherche aujourd’hui à s’exporter. Après ses single malts très réussis, l’Inde nous réserve encore bien des surprises !
Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.
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