La vraie capitale du vermouth est Madrid

Quelle ville peut prétendre être l’authentique capitale du vermouth ? Découvrez pourquoi Madrid, en Espagne, est la véritable patrie du vermouth.

Spirits Hunters a demandé à François Monti de réagir à l’article paru dans le journal le Monde. « Avec le Vermouth, Turin Vogue sur l’Amer ».

 

Le vermouth, de nouveau à la mode

en croire certains, Turin serait, niveau vermouth, le centre du monde. Et il est vrai que la ville est à la fois le lieu de naissance de la boisson. Mais aussi, le centre de production le plus important de l’industrie. Cependant rien de cela n’empêche une tradition de mourir. Et, de fait, à Turin, le vermouth a été pendant des années complètement négligé. Autant par les autorités que par les restaurateurs. De plus, par les patrons de bar et, plus important encore, les clients.

La vraie capitale du vermouth est Madrid

Afin de capitaliser sur ce retour en grâce, comme le vermouth est de nouveau à la mode, les initiatives se multiplient. Ne nous laissons pas tromper. Comme art vivant, c’est plutôt vers l’Espagne et en particulier vers Madrid qu’il faut se tourner. Ici vous trouverez la maison, au moins spirituelle, du vermouth.

Pourtant, on n’y produit pas des masses. Zecchini et Zarro, les deux marques locales, ne sauraient pas concurrencer les grandes marques turinoises. Mais la ville est une grande consommatrice et ce depuis des lustres. D’ailleurs, tandis que le turinois boit surtout son vermouth en Negroni, un cocktail florentin, le madrilène le boit principalement pur. Ceci fait de lui un animal en voie de disparition. Pas besoin donc de convoquer la presse pour lui vendre une ‘expérience authentique’: ici, le vermouth n’a jamais disparu.

Tout commença en 1900…

La première fois que ce vin aromatisé à l’armoise a vraiment fait parler de lui dans la capitale espagnole, c’est vers 1900. Boisson nouvelle et d’image très moderne à l’époque, elle séduisit d’abord la bonne société. A quelques pas de Sol, le centre névralgique de la ville, les cafés de la rue Alcala et surtout leurs terrasses, pensées sur le mode parisien, devinrent le haut lieu de ce que l’on finit par appeler l’heure du vermouth. Cet âge d’or très bourgeois prit fin avec la guerre civile. Les adresses mythiques — Maxim’s, Ideal Room, Maison Doré — disparaissent. C’est alors depuis 1940, plutôt dans les tavernes populaires que le vermouth se boit. Et aujourd’hui encore, certaines adresses d’alors restent incontournables.

 

Le vermouth pression

Mentionnons par exemple Bodegas Casas, depuis 1908 à un jet de pierre de la gare d’Atocha, ou Bodegas Angel Sierra, presque aussi anciennes, à Chueca. La liste pourrait être longue, puisque, au contraire de Turin, où les ‘adresses incontournables’ historiques sont devenues rares, chaque quartier de Madrid ou presque compte avec son établissement où le ‘vermut de grifo’ (vermouth pression) règne.

La vraie capitale du vermouth est Madrid

Mentionnons en trois. D’abord l’une des plus populaires est sans aucun doute La Ardosa, ouverte en 1892. Pendant des années reconvertie en bar à bière, la consommation de vermouth domine de nouveau. Et comme la cuisine y est excellente (une des meilleures tortillas de Madrid et de superbes artichauts frits en saison, par exemple), il est presque obligatoire de s’y arrêter.

Ensuite, a cinq minutes de là, une expérience un peu plus rustique attend le visiteur à Casa Camacho. Un repère d’étudiants (tout y est très bon marché) dont la spécialité est le Yayo. Un vermouth allongé à la limonade et fortifié au gin (attention, danger), à déguster en observant la faune locale et en jetant les restes d’arachides au sol.

Enfin (c’est une façon de parler, bien sûr), derrière Plaza Mayor, les très petites Bodegas Ricla offrent une expérience absolument classique, avec, comme tapas, des anchois au vinaigre ou du chorizo au cidre. A noter que le vermouth n’est pas la seule star — les amateurs de Xérès y trouveront aussi leur compte.

 

Une autre génération de buveurs

Même si le vermouth n’a pas eu besoin de la mode pour survivre à Madrid, tout comme à Turin cette dernière a inspiré une nouvelle génération de buveurs — et d’entrepreneurs. Les premiers à avoir su flairer le bon coup sont sans aucun doutes ceux derrière La Hora del Vermut, au départ un petit poste dans le Mercado San Miguel qui offrait quelques vermouths pression — ce qui était déjà toute une révolution dans un pays où les bars ne comptaient généralement que sur une seule marque.

Depuis, ils ont transformé leur coin de ce spectaculaire marché tout en fer forgé en une essentielle ‘bibliothèque’ à vermouth, où essayer des références de tout le pays. Récemment, ils ont ouvert une deuxième adresse — un bar normal cette fois-ci — dans le quartier de Chamberi.

La vraie capitale du vermouth est Madrid

 

La  » Media Combinación « 

Avec la vogue du vermouth, une autre particularité madrilène reprend aussi du poil de la bête. Il s’agit de la Media Combinación. Un cocktail où le vermouth côtoie le gin, le triple sec et les bitters. C’est, d’ailleurs, depuis 1927 le cocktail non-officiel de Madrid. Date à laquelle il est arrivé en ville depuis Cuba. Popularisée par Pedro Chicote, le grand bartender d’alors, la Media a été longtemps incontournable. Mais depuis une vingtaine d’années, elle s’était retirée sur deux ou trois établissements. Le plus iconique reste néanmoins Lhardy. En fait, c’est un des plus vieux restaurants de la place. Ici, les habitués demandent à voix basse aux serveurs leur apéritif préféré.

Depuis quelques mois, Diego Cabrera — le Chicote de 2019 — remet en avant ce patrimoine liquide madrilène avec trois versions. De la plus traditionnelle à la plus moderne, de la Media Combinación au Viva Madrid. Une spectaculaire taverne de 1856 qu’il a récemment repris. Et pour ceux qui préfèrent des cocktails plus connus internationalement, Madrid a aussi ce qu’il faut.

La vraie capitale du vermouth est Madrid

Le meilleur cocktail de la ville

Ne dites pas que c’est nous qui vous avons donné le tuyau ! Mais le meilleur cocktail de la ville actuellement est sans doute le Viejísimo Adonis, du 1862 Dry Bar. Hommage à l’Adonis, il mélange un Xérès VORS (c’est-à-dire particulièrement vieux) avec un blend vermouth maison.

En début de soirée, quand le soleil passe encore par les grandes portes fenêtres, l’éclat cuivré du cocktail donne une lumière propre à l’apéritif. Un endroit idéal et une boisson parfaite pour profiter de ce mélange unique de tradition durable et de modernité contrôlée qui fait de Madrid la vraie ville du vermouth.

 

Ne buvez pas au volant. Consommez avec modération.

 

Rejoignez la Communauté SH sur Reddit

Spirits Hunters est une communauté dédiée aux spiritueux et au monde de la mixologie. N'hésitez pas à parler du monde de la mixologie et du métier du bartender ici !

Join